Je suis enceinte, je suis une mère porteuse, je porte dans mes entrailles depuis quarante huit ans, sept mois, quarante cinq minutes et deux secondes. Je vais enfin mettre bas et faire sortir de moi cette chose. Lui donner un prénom. Un prénom composé, colle-air, elle me colle à la peau et je la respire comme on respire l’air. Je vais enfin pouvoir la porter dans mes bras, la regarder en face, la contrôler, la manipuler, m’en débarrasser. Je vais enfin l’abandonner, elle n’est pas mienne, je ne suis que la porteuse, d’ailleurs elle ne me ressemblera pas. Elle leur ressemblera. Elle ressemblera à ceux qui l’avaient implanté en moi.
Je suis une enceinte, je suis une citadelle et mes entrailles un volcan. Je vais mettre bas ce magma qui avalera tout ce qui sera sur son chemin.
Je suis la vierge par excellence, je suis la terre fertile qu’on a brûlé, je suis la richesse qu’on a détourné. Je suis une énigme qui dort. Je suis la maîtresse insaisissable, et mes amants ont tous les mêmes points communs. Ils sont assoiffés de pouvoir et de richesses, pour mieux exploiter mes trésors, chassent mes enfants et les empêchent de venir en moi.
Aujourd’hui je lègue tout ce que j’ai à colle-air. Le trésor de colère. Ajoute colère sur colère augmente le trésor. Que chacun voit comme il entend, je suis là pour donner et non pour recevoir. Je n’ai pas d’âme je suis uniquement animée. Je suis une vache à lait pour ceux qui ont le pouvoir, qui ont fait main basse sur mes ressources vitales. Je suis l’indigestion du riche, la vengeance de la faim du pauvre.
L’attente est plus dure à supporter que le feu. J’ai toujours été l’enclume, j’ai pris patience, aujourd’hui je suis le marteau, je vais frapper droit et ferme. Comme le feu, la vie débute par la fumée et finit par la cendre.
L’heure est arrivée. Mort du riche, sujet de désirs; Mort de la savante source de regrets ; Mort du pauvre, heure de repos et tout matin devient soir.
Un texte très beau par sa manière de prendre de la distance par rapport à la colère à travers la colle-air. Malheureusement le texte s’arrête en chemin et ne libère pas complètement de la colère. Les deux derniers paragraphes semblent s’enchaîner à nouveau à la colère. Merci pour ce beau texte. Merci de me permettre de réagir librement. Avec respect.
Merci à vous Robert, merci d’avoir pris le temps de me lire et de me laisser un commentaire. Oui la colère est grande et inachevée, je laisse place au lecteur de sortir la sienne 🙂
Le joie de l’échange m’incite à répondre mais pas directement dans le sens de ta proposition même si je trouve qu’elle peut être d’un certain attrait et d’une certaine utilité. En effet ton texte comme je le dis dans mon premier message à pour fonction d’objectivé la colère et donc à quelque part celle qui demeure en moi et qui comme tu le dis n’est pas « à moi ». L’être en moi me dit que je ne suis pas propriétaire de cette colère même si j’en suis le dépositaire. Le travaille consiste alors à reconnaître la colère en moi et à me libérer de ce « rôle » de dépositaire.
En espérant que cette contribution soit utile.
Avec attention.
J’ai établi un lien entre ton texte et « Proposition d’être » du blogue de Cycle des saisons
http://cycledessaisons.wordpress.com/2010/10/13/proposition-d%E2%80%99etre/#comment-107